NOUVEAUX TEXTES

在两次仰卧起坐之间,春春发出了一种喉音,是蒙古的呼麦。我注意到,当他有点无聊或者因为排练拖得太久而不耐烦时,他就会这样唱。
我来到遥远的四川成都已经好几天了,一直在观看舞蹈家兼编舞家余尔格的排练,她是我多年的老朋友。
燕子和昀在走廊里抽烟。玥琦、嘉豪和韵寒是女生,立和邓,正在标记“聊斋志异”的一场戏,这是尔格最新创作,灵感来自17世纪中国作家蒲松龄的同名书籍。

这些“聊斋志异”中的五百多个故事,既充满了执着的幻想,也可以用这句话来概括:“世上不缺美
女!为什么非要娶个鬼?”
尔格的改编充满了幻想,技艺高超,敏感,聪明,有点疯狂而且非常动感。
看着我朋友的愿景日益清晰,我感到非常高兴。
她充满了能量和决心,一心向着她的目标前进。她知道自己要去哪里,并且像所有的创造者一样,在怀疑的森林中跋涉,拨开各种障碍的重重植被,直到发现从项目诞生起她直觉上知道必须到达的地方。
设计师超超,作曲家昕,剧作家洁,都默默地靠在工作室的墙边,帮助建构整个作品。
在成都这栋大楼的十六楼的排练室里,气氛轻松。
我观察着舞者们的动作,他们表面上似乎漫不经心,但实际上非常注意在需要他们的确切时刻出现。
他们的水平相当惊人,即使在中国,这也并不令人惊讶。
十多年前,我有幸在这里工作,认识并欣赏中国舞者。
我注意到他们取得了显著的进步。除了他们高超的技术水平,每个人都表现出极大的灵活性、成熟度和创造力。
最重要的是,他们的友善和谦虚。
我经常见到一些现代舞者,他们莫名其妙地觉得自己重要且优越,这种傲慢和自我感觉良好往往掩盖不了他们缺乏真正的才华。
与他们相比,在这里真是愉快得多,伴随着更好的公司。
作为优秀的专业人士,舞者们再次勾勒出他们动作的精准结构。
现在是90分钟完整排练的时刻。
尔格知道她需要删减和缩短,找出重复的部分,放弃它们,收紧她的叙述,使其在舞台上展现出集中能量的冲击力。
尽管我长期以来对这一过程已经习惯,但我仍然有些惊讶于当能量真正流动时,身体的变形。不再是虚假的表演。
在有些闷热的工作室里,每个人都毫不保留地拿出最佳表现。
多么强大的能量和变形!
工作人员围在尔格周围,提出批评和意见。用中文进行的讨论充满热情。
我利用自己对语言的完全无知,做我最喜欢的事情:观察和让我的心灵创造出自己的乐章。
捕捉此刻的诗意,理解事物的深刻意义,并借助他人的帮助,理解我自己生活的意义。

昀仔细地伸展,她的长辫子扫过地面。高大的舞者们往往对穿越她们的美视而不见。漂亮的玥琦以小步忙碌着,与露出耀眼笑容的嘉豪开玩笑,韵寒把那完美得有些不真实的面庞转向成都灰蒙蒙的天空,永恒的怀旧。燕子那张猫脸与春春开玩笑,后者把她拉入自己的仰卧起坐训练中,邓在角落里不声不响地伸展身体,同时向这些健身“苦力”投去有趣的目光。立在敲打他的电脑。我知道他对一切都充满好奇,尤其是现在的探戈,以及如何去找我的探戈朋友卡米洛,在卡利。

明天,我将开始与舞者们的拍摄。
我们彼此都很好奇。
明天会是个好日子。
我将为他们拍照。至少我会尝试,在大量的灰白光线下,从大窗户透过,俯瞰成都无限延伸的摩天大楼丛林。
我周围是二千万其他人,他们在完全漠不关心的情况下忙碌,而在这个工作室里,像世界上的许多地方一样,男女,大多数年轻人,感到有必要用身体来表达某些语言无法传达的人类状况。
我想到了法尤姆的肖像画,正面的美感,那种穿越世纪的“死者之眼”的生命冲动。
我的相机的数百万像素与蜂蜡、亚麻布、金箔和无花果木的力量相比,是多么微不足道!
但无论如何,我这样做,因为这是我的愿望和必要。
死者之眼对生者之眼,动作,舞动的能量,那些今天与我们对话的人。
他们明天会告诉我什么?会献上他们的真情实感吗?还是会给我最美的面具?
必须在场,抓住那真正的优雅时刻。
优雅,美丽和真理,将赐予我。
明天。
海蒂·马勒姆
成都,2024年6月

Il tourne son pinceau dans l’eau sombre de la pierre à encre. Concentré. Comme tout d’une pièce. Une immense feuille blanche recouvre toute la longueur du grand établi.

Il commence.Pas l’ombre d’une hésitation. Les caractères se forment à toute vitesse sans qu’il revienne sur leur tracé. L’encre d’un noir profond tâche la feuille de haut en bas et de droite à gauche. Cela va vite et c’est très beau.

J’observe le contact délié, délicat mais ferme de la pointe du pinceau avec la feuille.

Il ne s’interrompt que pour aller tourner vivement le pinceau asséché dans le bain d’encre.

Le coude à angle droit, sa main libre solidement appuyée sur le bois de la table, tout le corps penché sur l’ouvrage, il écrit.

Quoi de plus beau, me dis-je.

Bien sûr, le sens m’échappe. J’ai remis à une autre vie l’apprentissage du chinois et plus encore, de ses signes.

Mais qu’importe, je contemple la beauté et médite sur la danse du pinceau. Il n’y a pas de repentir. Comme dans la danse quelque chose s’écrit sans possibilité de retour. Le corps troue l’espace, inscrivant, ou pas, un geste de parole. Le calligraphe trace aussi dans l’espace intact du papier, un dit irréversible.

Tout est dans la manière, le style.

Selon Maître SHEN Zuo Chang, l’essentiel réside dans le contact entre la fine pointe de l’encre et la blancheur où elle se pose. C’est là, dit-il, que tout se joue.

Me vient à l’esprit ce sentiment tenace d’un glissement du temps qui m’habite depuis peu. Je suis du regard la glissade tarabiscotée de l’encre sur la neige de la page. Le temps dévale comme un skieur ivre, me dis-je, mais, ce faisant il inscrit, dans le blanc de la pente, comme l’énigme irréparable de chaque vie.

Qu’écrit-il, celui qui trace les signes? Certainement, rien de bas. Je vois qu’au fond ça n’est pas là l’important. C’est le geste d’écrire qui importe et vient organiser le monde en aspirant toute l’énergie vitale de cet homme âgé, plein d’une force résolue et dont l’œil brille parfois d’une gentille ironie.

Je suis venu le filmer. Il a de suite compris et accepté ma démarche. Il est d’évidence, pour lui, que danse et calligraphie  ( j’ai failli écrire, chorégraphie.) sont liées. Tous les arts portés à leur sommet le sont.

C’est ce sommet qu’a visé sa vie durant et qu’a atteint, cet homme de petite taille, robuste, franc et curieux du bonhomme que je suis.

Où souhaiterais-je tourner?

Dans un lieu où il se sente bien.

Mais ici-même, dit-il en ouvrant les bras, dans cette petite échoppe située dans le quartier de Song XianQiao à Chengdu dans la province du  Sichuan.

Hélas, pas assez de lumière!

Alors, dans deux jours, à  GuangHan où se trouve mon musée, la Maison du livre BiLei.

L’endroit conviendra.

Vous voulez filmer comme Picasso, au travers d’une vitre?

Il fait référence au « Mystère Picasso » de Henri Georges Clouzot.

Plutôt, dans le vide et sans pinceau si vous y consentez.

Il rit.

Me voilà à pied d’oeuvre. J’ai pu filmer le maître au travail et comprendre un peu de son geste.

Ses étudiants, soucieux de tout faire pour m’aider et complaire à celui que, visiblement, ils admirent énormément, tendent une grande toile noire sur le haut mur d’un patio éclairé idéalement par un puits de jour.

Je sens que le maître est pressé. Ce sera une prise et pas deux, je le crains.

Il est déjà en action, légèrement de profil, gêné par l’oeil un peu obscène de la caméra.

Il est toujours aussi vif et précis, on peut presque distinguer, dans le vide de l’air, la marque élégante de son écriture.

Pas d’emphase, pas de simulacre, le geste juste et nécessaire.

Voilà comme l’on devrait être quand on danse, oublieux de soi-même, uniquement soucieux de tracer dans l’espace quelque chose qui vaille et que le corps délivre. Il puise dans l’animal en lui, l’intelligence d’écrire

Le geste est beau, entièrement donné, laissant le regard se porter sur lui sans qu’il l’entame.

Le puits de lumière gardera à jamais le secret de ce qui, en quelques minutes, s’est écrit, puisé dans la sombre spirale de l’énergie d’un homme à l’apogée de sont art.

Plus tard , il m’invite à l’étage où sont exposées ses oeuvres, des peintures, aquarelles, calligraphies dont la qualité et la force me laissent un peu abasourdi.

Maître SHEN Zuo Chang est aussi un grand peintre.

On voit qu’il a regardé les Modernes, on constate aussi qu’il puise abondamment dans sa propre culture si riche et si ancienne et dont à peu près tout nous échappe, à nous occidentaux qui barbotons dans nos « works in progress » et les eaux troubles de notre marché de l’art.

SHEN, lui, comme les sages, se fait discret et continue son oeuvre sans trop se soucier d’être de la partie, celle qui se joue dans le vide des ambitions.

Vers la fin d’une longue collection de peintures dont certaines sont un pur éblouissement, je tombe en arrêt sur la représention magistrale d’un archer visant le soleil. Sur le côté gauche de la toile, sont tracés des disques rougeoyants. Une force extraordinaire de simplicité émane de l’ensemble presqu’abstrait.

Peut-être la beauté appelle t-elle l’injure mais devant ce tableau, on recule poliment d’un pas.

Maître SHEN m’explique que la toile représente une scène de la mythologie chinoise. Pour sauver le royaume, le fameux archer Houyi, à la demande du roi Yao, éteignit neuf soleils sur les dix qui embrasaient la terre sous la puissance de leur feu.

C’est exactement ce qu’il fait, me dis-je. Il attaque ce trop de soleil qui consument le vivant. Dans la blancheur aveuglante de la page, il lance la flèche de son pinceau et puise dans la nuit de l’encre de quoi rendre moins insupportable la lumière  qui révèle l’atrocité de notre monde.

C’est peut-être pour mieux endurer notre lucidité qui perçoit le soleil implacable du non-sens, que nous créons, que nous nous faisons, peintres,  écrivains, danseurs, musiciens…

Voilà! je tiens mon titre : SHEN Zuo Chang, maître en calligraphie, peintre devant l’éternel …

                  L’homme qui tua neuf soleils.

Heddy MAALEM

                                         中国之光

在两次仰卧起坐之间,春春发出了一种喉音,是蒙古的呼麦。我注意到,当他有点无聊或者因为排练拖得太久而不耐烦时,他就会这样唱。

我来到遥远的四川成都已经好几天了,一直在观看舞蹈家兼编舞家余爾格 排练,她是我多年的老朋友。

燕子和云在走廊里抽烟。悦琦、嘉豪和云汉,女生是李和邓,正在标记聊斋志异的一场戏,这是二哥最新创作,灵感来自17世纪中国作家蒲松龄的同名书籍。

这些聊斋志异中的五百多个故事,既充满了执着的幻想,也可以用这句话来概括:世上不缺美女!为什么非要娶个鬼?

二哥的改编充满了幻想,技艺高超,敏感,聪明,有点疯狂而且非常动感。

看着我朋友的愿景日益清晰,我感到非常高兴。

她充满了能量和决心,一心向着她的目标前进。她知道自己要去哪里,并且像所有的创造者一样,在怀疑的森林中跋涉,拨开各种障碍的重重植被,直到发现从项目诞生起她直觉上知道必须到达的地方。

设计师超超,作曲家星,剧作家洁,都默默地靠在工作室的墙边,帮助建构整个作品。

在成都这栋大楼的十六楼的排练室里,气氛轻松。

我观察着舞者们的动作,他们表面上似乎漫不经心,但实际上非常注意在需要他们的确切时刻出现。

他们的水平相当惊人,即使在中国,这也并不令人惊讶。

十多年前,我有幸在这里工作,认识并欣赏中国舞者。

我注意到他们取得了显著的进步。除了他们高超的技术水平,每个人都表现出极大的灵活性、成熟度和创造力。

最重要的是,他们的友善和谦虚。

我经常见到一些现代舞者,他们莫名其妙地觉得自己重要且优越,这种傲慢和自我感觉良好往往掩盖不了他们缺乏真正的才华。

与他们相比,在这里真是愉快得多,伴随着更好的公司。

作为优秀的专业人士,舞者们再次勾勒出他们动作的精准结构。

现在是90分钟完整排练的时刻。

二哥知道她需要删减和缩短,找出重复的部分,放弃它们,收紧她的叙述,使其在舞台上展现出集中能量的冲击力。

尽管我长期以来对这一过程已经习惯,但我仍然有些惊讶于当能量真正流动时,身体的变形。

不再是虚假的表演。

在有些闷热的工作室里,每个人都毫不保留地拿出最佳表现。

多么强大的能量和变形!

工作人员围在二哥周围,提出批评和意见。用中文进行的讨论充满热情。

我利用自己对语言的完全无知,做我最喜欢的事情:观察和让我的心灵创造出自己的乐章。

捕捉此刻的诗意,理解事物的深刻意义,并借助他人的帮助,理解我自己生活的意义。

云仔细地伸展,她的长辫子扫过地面。高大的舞者们往往对穿越她们的美视而不见。漂亮的悦琦以小步忙碌着,与露出耀眼笑容的嘉豪开玩笑,云汉把那完美得有些不真实的面庞转向成都灰蒙蒙的天空,永恒的怀旧。燕子那张猫脸与春春开玩笑,后者把她拉入自己的仰卧起坐训练中,邓在角落里不声不响地伸展身体,同时向这些健身苦力投去有趣的目光。李在敲打他的电脑。我知道他对一切都充满好奇,尤其是现在的探戈,以及如何去找我的探戈朋友卡米洛,在卡利。

明天,我将开始与舞者们的拍摄。

我们彼此都很好奇。

明天会是个好日子。

我将为他们拍照。至少我会尝试,在大量的灰白光线下,从大窗户透过,俯瞰成都无限延伸的摩天大楼丛林。

我周围是二千万其他人,他们在完全漠不关心的情况下忙碌,而在这个工作室里,像世界上的许多地方一样,男女,大多数年轻人,感到有必要用身体来表达某些语言无法传达的人类状况。

我想到了法尤姆的肖像画,正面的美感,那种穿越世纪的死者之眼的生命冲动。

我的相机的数百万像素与蜂蜡、亚麻布、金箔和无花果木的力量相比,是多么微不足道!

但无论如何,我这样做,因为这是我的愿望和必要。

死者之眼对生者之眼,动作,舞动的能量,那些今天与我们对话的人。

他们明天会告诉我什么?会献上他们的真情实感吗?还是会给我最美的面具?

必须在场,抓住那真正的优雅时刻。

优雅,美丽和真理,将赐予我。

明天。

赫迪·马勒姆

成都,20246

                             LUMIÈRES DE LA CHINE

Entre deux séances d’abdominaux, Chun Chun émet un chant de

gorge, le Khoomii mongol. J’ai remarqué qu’il chantait ainsi

quand il s’ennuyait un peu ou qu’il s’impatientait parce que la

répétition trainait en longueur.

Cela fait plusieurs jours maintenant, depuis mon arrivée à

Chengdu dans le lointain Sichuan, que j’assiste aux répétitions de

la compagnie de Er Ge YU, danseuse et chorégraphe reconnue,

amie de longue date.

Yanzi et Yùn sont dans le couloir. Elles fument leur cigarette.

YueQi, JiaHao et YunHan pour les filles Li et Deng pour les

garçons marquent une des scènes de « Strange stories in a chinese

studio » la dernière création de Er Ge inspirée du livre éponyme

de PU Song Ling, écrivain chinois du 17e.

Ces « Chroniques de l’étrange » riches de quelques 500 contes

aussi obsessionnels que fantasmatiques pourraient se résumer par

cette citation : « Le monde ne manque pas de jolies filles ! Quelle

idée de vouloir épouser un spectre ! »

L’adaptation qu’en fait Er Ge, est fantasque, virtuose, sensible,

intelligente , un peu dingue et très mouvementée.

J’ai du plaisir à voir se cristalliser au fil des jours la vision de

mon amie.

Elle est, avec énergie et détermination, toute tendue vers son but.

Elle sait où elle va et, comme tout créateur, chemine dans la forêt

du doute, écartant l’épaisse végétation des obstacles de toutes

sortes, jusqu’à découvrir cet endroit où, depuis la naissance de

son projet, elle sait intuitivement qu’elle doit se rendre.

Chao Chao le designer, Xing le compositeur, Jie la dramaturge,

chacun rencogné contre un mur du studio travaille

silencieusement à aider à la construction de l’ensemble.L’atmosphère est détendue au seizième étage de cet immeuble de

Chengdu où se situe le studio de répétition.

J’observe le manège des danseurs et comme, sous une

désinvolture apparente, ils sont attentifs à être présents au

moment exact où l’on a besoin d’eux.

Leur niveau est assez extraordinaire même si en Chine, il n’a rien

de surprenant.

J’ai moi même , il y a plus d’une décennie, eu la chance de

travailler ici, de connaître et apprécier les danseurs chinois.

Je note les progrès remarquables qui ont été réalisés. En plus de

leur haut niveau technique, la disponibilité, la maturité et la

créativité de chacun.

Surtout, et c’est ce qui m’importe le plus, leur gentillesse et leur

modestie.

j’ai souvent été témoin de la morgue un peu dédaigneuse de

certains danseurs contemporains qui, on ne sait pour quelle

étrange raison, semblent tout pénétrés de leur importance et de

leur supposée supériorité. C’est insupportable d’arrogance et

marque la plupart du temps un manque tragique de réel talent que

ne parvient pas à masquer une assurance de façade consolidée

par un entre-soi dédaigneux.

Qu’il est bon d’être ailleurs et en meilleure compagnie.

En bons professionnels, les danseurs esquissent pour la énième

fois l’architecture précise de leur mouvements.

C’est le moment du filage des 90’ .

Er Ge sait qu’elle devra élaguer et raccourcir, repérer les redites,

y renoncer, contracter son propos afin qu’il délivre, sur scène,

l’impact de son énergie rassemblée.

J’assiste, toujours un peu médusé malgré ma longue habitude, à

la métamorphose des corps lorsque l’énergie circule vraiment.

On ne fait plus semblant.

Dans la chaleur un peu étouffante du studio, chacun donne le

meilleur de lui même sans rien économiser.

Quelle énergie et quelle transfiguration!Le staff se précipite autour de Er Ge pour formuler ses critiques et

livrer ses impressions. La discussion en chinois est passionnée.

Je profite de mon ignorance totale de la langue pour faire ce que

j’aime le plus, observer et laisser mon esprit inventer le chant qui

lui viendra.

Saisir la poésie du moment, comprendre le sens profond des

choses et, avec un peu de chance, grâce aux autres, celui de ma

propre vie.

Yùn s’étire consciencieusement, sa longue tresse balaie le sol. Les

grandes danseuses sont souvent insouciantes de la beauté qui les

traverse. La jolie YueQi s’affaire à petits pas en plaisantant avec

JiaHao à l’éblouissant sourire, YunHan tourne un visage à la

perfection un peu irréelle vers la nostalgie du ciel

sempiternellement gris de Chengdu. Yanzi au visage de chat

blague avec Chun Chun qui l’a enrôlée dans ses séances

d’abdominaux, Deng s’étire discrètement dans son coin tout en

tournant des regards amusés vers les forçats du fitness. Li tapote

sur son ordinateur. Je sais qu’il est curieux de tout et surtout, en

ce moment, du Tango et comment il pourrait aller rejoindre mon

ami tanguero, Camilo, à Cali.

Demain, je commence le tournage avec les danseurs.

Nous sommes curieux les uns des autres.

Demain sera un bon jour.

Je ferai leur portrait. J’essaierai en tout cas, dans la lumière

abondante et un peu grisâtre de la grande baie vitrée qui ouvre

sur la monstruosité infinie des gratte-ciels de Chengdu.

Je suis environné de vingt millions d’autres qui vaquent dans

l’indifférence absolue à ce qui se trame dans ce studio où, comme

un peu partout dans le monde, femmes et hommes, jeunes pour la

plupart, éprouvent la nécessité de dire avec le corps quelquechose de leur humaine condition que les mots échouent à

prononcer.

Je pense aux portraits du Fayoum, à leur beauté frontale, à ce

« regard des morts » dont la pulsion de vie nous atteint au travers

des siècles.

Comme les millions de pixels de ma caméra pèsent peu comparés

à la force intacte de l’encaustique et du lin, des dorures et de la

cire d’abeille, du bois de figuier sycomore!

Qu’importe, je fais le geste parce que tel est mon désir et ma

nécessité.

Regards des morts pour regards de vivants, gestes, mouvements,

énergie de ceux qui dansent et nous parlent, aujourd’hui.

Que me diront-ils demain? Feront-ils don de leur intime vérité?

Ou bien m’offriront-ils le mensonge de leur plus beau masque?

Il faudra être là et tout prendre, saisir au vol la vraie grâce du

moment.

Grâce, beauté et vérité qui me seront données.

Demain.

Heddy MAALEM

Chengdu, Juin 2024

Er Ge

舞者没有什么是容易的。
例如,试镜常常是一场令人心碎的争斗。
然而,有一个明显的事实似乎每个人都忽视了:雇佣雇佣兵就像在自己家中引入战争。
没有信念地投身其中无疑会杀死那些你声称要为之而活的东西。
理想的情况是,在可能的情况下,让亲和力发挥作用。
跳舞不是每个人都能做到的。
任何声称要跳舞的人至少要了解自己的身体,并努力理解其结构。
但最重要的是,最好是像美国人所说的那样,“天生的”。
一种天赋,一种存在感。
天生的。
即使有些人说相反的话,我一直观察到一些人出现时,其他人却在努力存在,大多数人根本不在自己的位置上。
我记得在巴塞罗那的莱亚。
她迟到了,跑着去赶上已经在工作的小组。加州冲浪者的步伐,同样阳光下的显而易见。
还有索莱,在荷兰的光线中,像一团野火和苍白的火焰,孤独地存在,
即使四十个舞者的喧嚣也无法掩盖她那种强烈、凶猛而神秘的自我存在。
然后是尔歌,最后。
我在中国。我记得。
我们离我版《春之祭》的中国首演还有一周时间。
四川舞团的一位领导,那个抽烟太多,用沙哑声音说话的人:
你必须看一个女孩,她很厉害。
一手拿着香烟,一手拿着电话,尽管我拒绝在这么短的时间内加入新成员,他还是坚持。
我最终还是屈服了。
我们在剧院排练。
一个充满能量和优雅的小个子女孩轻快地跳上了舞台。
在一个瓷器般的身体中,像老虎般的跳跃,既圆润、优雅又强壮,既低调又具有非凡的运动能力。
真是个出现!
多年过去了。尔歌一直为我跳舞,始终才华横溢,谦逊,友善和非常专业。
她在欧洲和亚洲都有着成功的职业生涯。
如今,她已经成熟,具有一种严肃而深沉的美。
描述她的舞蹈对我来说是不可能的。
那是一种穿透你并让你惊讶的感觉。
一个耐心的小个子女孩保留地站在你面前。
舞蹈抓住了她,那是一场美的爆发。我的意思是,这种矛盾的扭曲在于你所看到的和应该是的之间,每一秒都在变化,几乎不是人类的活力。而且它既慢又快,紧张,内敛,给予,放弃,释放和呈现,但仍然保守秘密,埋藏在自己体内,像一个宝藏,一道光,一个古老的天朝帝国的珠宝。
需要多少努力,决心,勇气和深刻的直觉,年复一年,在近视的观众和极端的评论家面前,找到力量奋斗,让自己体现出如此古老文化的丰富,我们的文化相比之下几乎刚刚诞生。
尔歌在中文中的意思是公主,还有其他我忘记的意思。
她的父母为她取了一个好名字,让她继承了一长串在用身体思考和表达艺术方面的女性和男性的传统。
这位舞者像是石洲的书法,他是森林画笔的大师。圆润又棱角分明,狂草般地不可思议的高超技巧。
她也是墨,那在她胸腔中旋转的烟黑色。她的心就像一块墨石,碾磨木材来书写每一个真实的动作。
今天,有一颗星星在那边闪耀,但我们看不见,我们不再仰望天空,不再知道曾经连接大地和天穹的事物,我们接受了没有美的生活。
我记得柯克·道格拉斯在扮演那个和他的马威士忌一样野性的牛仔时说的台词:“我无法想象世界会变得更好。像你一样,我看到它在变得更糟。我看到自由像一条狗一样被扼杀,无论我目光所及之处。我看到我自己的国家被丑陋所淹没,…”
一部好电影,一部杰作。它让我想起了这位骑手和他的金色马匹的画面,像是一种美丽被威胁的力量,冲破了禁止古老荒野的铁丝网。
尔歌让我想起了贯穿整部电影的那种美丽的力量。人类在试图逃离这个世界压迫性的叙述。
这位舞者是一位孤独的战士,低调而温柔,毫不犹豫地射出她美丽的箭矢。
她永远不会放弃她那高贵且必要的孤独,但如果你遇见她,她的舞蹈会穿透你。

赫迪·马勒姆

Rien n’est facile pour les danseurs.
Les auditions, par exemple, sont souvent une foire d’empoigne navrante.
Il y a pourtant cette évidence qui semble échapper à chacun : engager des mercenaires c’est porter la guerre dans sa propre maison.
S’engager sans conviction tue très sûrement ce pour quoi l’on prétendait vivre.
L’idéal, quand cela est possible, est de laisser jouer les affinités.
Danser n’est pas à la portée de tout le monde.
La moindre des choses pour qui y prétend, c’est connaître son corps, avoir fait l’effort d’en comprendre la structure .
Mais surtout, il vaut mieux être ce que les américains appellent « a natural ».
Un talent. Une présence aussi.
Innés.
Même si d’aucuns affirment le contraire, j’ai toujours bien observé que certains apparaissent quand d’autres peinent à exister, la plupart n’étant, tout bonnement, pas à leur place.
Je me souviens de Laïa à Barcelone.
Elle était en retard et courrait pour rejoindre le groupe déjà au travail. La foulée d’une surfeuse californienne, l’évidence du même soleil.
Et Soile, flamme sauvage et livide dans la lumière de Hollande, comme seule,
sans que l’agitation de quarante danseurs parvienne à occulter cette intense,
féroce et mystérieuse présence à elle même.
Et puis Er Ge, enfin.
J’étais en Chine. Je me souviens.
Nous étions à une semaine de la première de la version chinoise de mon Sacre du printemps.
Un des cadres de la compagnie du Sichuan, celui qui fumait trop et parlait avec une voix de rogomme :
Tu dois voir une fille, elle est très forte.
Cigarettes dans une main, téléphone dans l’autre, il insistait malgré mon refus d’intégrer un nouvel élément en si peu de temps.
J’ai fini par céder.
Nous répétions au théâtre.
Une petite boule d’énergie et de grâce a bondi souplement sur le plateau.
Un bond de tigre dans un corps de porcelaine, rond, gracile et puissant à la fois, discret et au rayonnement athlétique extraordinaire.
Quelle apparition!
Les années ont passé. Er Ge YU a dansé pour moi, toujours avec talent, humilité, gentillesse et grand professionnalisme.
Elle mène une carrière réussie en Europe et en Asie.
La voilà accomplie, mure, d’une grave et profonde beauté.
Dire comme elle danse me parait impossible.
C’est une sensation qui vous traverse et vous surprend.
Une petite jeune femme au corps patient se tient devant vous avec réserve.
La danse la prend, et c’est une explosion de beauté. Je veux dire, cette torsion contradictoire entre ce que vous voyez et qui devrait être et qui pourtant n’est pas et qui change chaque seconde avec une vivacité à peine humaine. Et c’est lent et puis rapide, tenu, contenu et, donné, abandonné, délivré et livré et pourtant gardé secret, enfoui en soi, comme un trésor, une lumière, un bijou ancien de l’Empire Céleste.
Il en faut du travail, de la détermination, du courage et de l’intuition profonde, année après année, devant des publics myopes et des critiques polarisés, pour trouver la force de lutter et faire advenir en soi toute la richesse d’une culture si ancienne, que la nôtre, à côté, semble à peine née.
ER Ge en chinois veut dire, Princesse et d’autres choses aussi que j’ai encore oubliées.
Ses parents l’ont bien nommée, la faisant héritière d’une longue dynastie de femmes et d’hommes passés maîtres dans l’art de penser avec et par le corps.
Cette danseuse ressemble à l’écriture de Shi Zhou, grand calligraphe et maître de la Forêt des pinceaux. Arrondie et anguleuse, cursive folle, incroyablement virtuose.
Elle est l’encre aussi, ce noir de fumée qui tournoie dans sa poitrine. Son cœur est comme une pierre à encre qui broie le bois du noir nécessaire à l’inscription de chaque geste vrai.
Aujourd’hui, une étoile brille là bas mais nous ne la voyons pas, nous qui ne regardons plus le ciel, qui n’avons plus la moindre idée de ce qui reliait jadis la terre au firmament, nous qui acceptons de vivre en l’absence de la beauté.
Je me souviens de la tirade de Kirk Douglas, du temps qu’il incarnait ce cowboy aussi sauvage que sa jument Whisky : « Je n’imagine pas le monde s’améliorer. Comme toi, je le vois plutôt empirer. Je vois la liberté qu’on étrangle comme un chien, partout où mon regard se pose. Je vois mon propre pays crouler sous la laideur, … »
Un beau film, un chef d’oeuvre. Il me vient à l’esprit parce que je me souviens de ce cavalier uni à son cheval doré comme l’image d’une beauté menacée forçant les barbelés interdisant les anciennes plaines sauvages.
Er Ge me fait penser à cet élan magnifique qui traverse tout le film. La lutte d’une humanité qui tente d’échapper à l’écrasant discours du monde.
Cette danseuse est une guerrière solitaire, discrète et douce et qui décoche sans trembler les flèches vives de sa beauté.
Elle n’abandonnera jamais sa haute et nécessaire solitude mais si vous la croisez, sa danse vous transpercera.

HEDDY MAALEM

LA LEÇON DE MAÎTRE LEE

在马来西亚八打灵再也的一个公园里,我遇到了李唐国大师。

他正在观察他的一些学生练习“推手”,这是太极拳的一种练习,学员们互相推搡,试图占据优势。

没有技巧,李大师说,只需要练习,这样才能学会。

在这个早晨,太阳准备把美丽的吉隆坡的巨大心脏烤熟,天气已经开始变得非常热。

公园很舒服。很少有散步的人。在城市不停的喧嚣中有一点安宁。

李大师谈话很多且自由。他不扮演萨满的角色。

只有他的眼睛沉默并注视着你。

他看起来比实际更高。这是因为他瘦削。他高挑且平静。外表脆弱但内心强大。

这正是我们应该的样子。

我们应该无所畏惧地从自己身上冲出去,毫不畏惧地将我们的脆弱与世界的坚硬对抗。

李大师没有神秘感,他不做作,他走来走去,笑得很多,给他的学生们提供好的建议,他们出汗并且也因他们的努力而笑,在不久将成为一个蒸汽室的地方。

我从远处观察这种练习的谦逊。我看到,在距离我命运所在地方几千公里的地方,有人们试图通过练习战斗的艺术来理解自己的黑暗。

我曾经长时间做同样的事情。

我把手放进了阴影的口中。

我感受到了里面旋转的能量。

首先是恐惧,李大师对我说。这是我们必须战胜的。这是我们必须理解的。实践才能真正做到这一点。

这个人很友善和善良。

我感觉他通过我对他来说的奇怪陌生人,感知到了一个聆听的人,他也以自己的方式,利用与他人的斗争来避免自我毁灭。

我想拍摄你的动作的本质,我对李大师说。

拍什么?我的太极没有形态。

那么,让我们拍摄无形的东西。我会尽力而为。

为什么不呢?

学生们推搡出汗,战斗和躲避,体验和失败。

对方仍然不妥协。这是一扇紧闭的门。没有钥匙。锁臂技不管用。蛮力在头内外制造了一堵墙。

对方当然是钥匙,但如何打开呢?

他来了。

我们在拉姆利哈桑工作室,位于布城高地,工作室的主人Sabera优雅而坚定地管理着它。

他穿着一套简单而丝滑的太极服。他像往常一样平静,并对摄像机的存在感到有些不安。

这个人不喜欢被注视,也不喜欢被困在任何该死的盒子里。

他出于同情并可能因为某种好奇心同意了,看我将如何摆脱可能很快变成的困境。

我拍摄他,首先站在大窗户的斜光中,从那里可以看到被恶魔般的污染形成的雾气遮蔽的宏伟清真寺。

他勾画出一些动作。我只看到他瘦长的剪影,仿佛出自某个热带的贾科梅蒂之手。

他似乎有点心不在焉,不知道该给摄像机那只独眼和贪婪的眼睛什么。

他所激发的东西不再可见。一切都发生在一个已经走到成为道路的人的内心。

他的身体轻盈而庄重,是一个疑问。没有其他东西是可以察觉的。

我发现自己在拍摄这个问题。

我习惯了。

他是否感到无助?仿佛失去了自己的存在感,他的身体在空间中优雅地勾勒出一种形式的本质。他既精确又模糊。有点走神,但却毫不费力地吸引了对方的注意。

我提议他坐下。

为了做什么?他问。

同样的事情。

你是个优秀的斗士,他半笑着对我说。

我在拍摄。

我看不到任何东西。我只感受到观众沉默的敬意。

在这个坐在椅子上的庄重的男人的微小动作中,发生了一些重要的事情。

我们结束了。他站起来,显然松了一口气。我觉得这一切都不适合他,我几乎为把他置于这种不适合他的境地感到后悔。

他却微笑了。

问题总是恐惧,他对我说。

我有点愣住了。他似乎在重述我们最近在公园的对话。

被拍摄对他来说是一个无关紧要的事件。

不能有防备。采取防备姿态,已经表现出恐惧。必须安静地保持在自己的轴线上,观察对手在自己的愤怒中筋疲力尽。

我同意。他是对的。最终我们理解了战斗的唯一意义在于必要的放弃,同时保持在对抗中建立的竖直。

但为什么他如此坚持这一点?

他礼貌地离开了。我有些困惑。我预感错过了一些东西。

我理性化。大师可能累了。我不应该坚持拍摄他。

那天晚上,当我观看这些画面时,我明白了。

在我找到一首我认为能够揭示手势简单性所隐藏的东西的音乐的同时,我领悟到我在忙于抓住某种难以言喻的东西时得到了的教训。

一个人不断地对我讲话,虽然我忙于拍摄但没有停下来听他。

他在向我展示那未完成的东西,那我们无法达到但却仍在手势中存在的东西,那简约的形式,那纯粹的东西,那我们有时用一生追求的东西。

他展示了一个完整的人,仅仅是他自己,太极大师和一个美丽的花朵盛开的动作园丁,每一个动作如同不断在颤抖的手中绽放的简单花朵。

是的,必须战胜恐惧,面对死亡时,必须站直,毫无防备地唱出我们的动作之歌。

没有之前,没有最初的意图。只有去和想要的东西。

必须现在,在“开放”中活着。

还必须看见,听见,聆听。不被自己的忙碌所欺骗。

我写信感谢李大师的帮助。他祝我好运,并发来了一段庄子的文字,这位流浪的大师以他的神游著称。

它讲述了一个人在湖中心的船上的故事。题目是,《空船》。

这就是所谓的真人,一艘在道的广袤空虚中的空船。

我想起李大师和他无形的太极。

那些不幸想要与他对抗的人自讨苦吃。

他们让我奇怪地想起那些走进遥远西部酒吧的顾客。门扇为让他们通过而摆动,它不抵抗,而是平静地在铰链上转动。每个人走进酒吧,找到他们所寻找的东西。有些人忘记了,另一些人,漂亮酒吧女郎的虚幻陪伴,许多人,带来的暴力,还有一些,他们无法淹没的悲伤。很少有人有足够的智慧去遇见那些凭一点运气和洞察力可能找到的东西:信仰,爱,希望,甚至,友谊。

李唐国,八打灵再也的普通居民,太极拳大师和庄子的智慧读者,通过柔顺地面对我直接的要求,使我的船轻了一些,也让我明白,要到湖上去然后穿越世界的大河,

首先需要升起自己的帆,然后,敢于将它交给风。

赫迪·马勒姆 – 吉隆坡,2023年6月

C’est dans un parc de Petaling Jaya en Malaisie que j’ai rencontré maître Tangkok Lee.
Il observait certains de ses élèves qui pratiquaient le « pushing hands », un exercice du Taï Chi chuan où les couples se poussent en essayant de prendre l’avantage.
Il n’y a pas de technique, dit maître Lee, il faut pratiquer, c’est ainsi que l’on apprend.
Il commence déjà à faire très chaud dans cette matinée où le soleil se prépare à cuire le coeur immense de la belle Kuala Lumpur.
Le parc est agréable. Quelques rares promeneurs. Un peu de quiétude au sein de l’incessante agitation de la ville.
Maître Lee parle beaucoup et librement. Il ne joue pas au chaman.
Ses yeux seuls se taisent et vous voient.
Il semble plus grand qu’il n’est en réalité. Cela est du à sa minceur. Il est élancé et calme. Frêle d’apparence et fort intérieurement.
C’est ainsi que nous devrions être.
Nous devrions nous élancer hors de nous même, sans peur d’opposer notre fragilité à la dureté du monde.
Maître Lee ne fait pas de mystère, il ne pose pas, il va, rit beaucoup, dispense de bons conseils à ses étudiants qui transpirent et rient aussi de leurs efforts dans ce qui deviendra bientôt une étuve.
J’observe de loin la modestie de cette pratique. Je vois, à des milliers de kilomètres de l’endroit où la destinée m’a placé, des hommes tenter de comprendre leur propre obscurité en pratiquant l’art de combattre.
J’ai longtemps fait la même chose.
J’ai mis la main dans la bouche d’ombre.
J’ai senti l’énergie qui y tournoie.
C’est d’abord la peur, me dit maître Lee. C’est elle qu’il faut combattre. C’est ce qu’il faut comprendre. C’est la pratique qui permet de le faire réellement.
Cet homme est sympathique et bienveillant.
Je sens qu’il perçoit, au travers de l’étrange étranger que je suis pour lui, quelqu’un qui écoute et qui, lui aussi, à sa manière, a utilisé la lutte avec autrui afin d’éviter sa propre destruction.
J’aimerais filmer l’essence de votre mouvement, dis-je à maître Lee.
Que filmer? Mon Taï Chi n’a pas de forme.
Alors, filmons ce qui est sans forme. Je ferai de mon mieux.
Pourquoi pas?
Les étudiants poussent et transpirent, luttent et esquivent, éprouvent et échouent.
L’autre reste intraitable. C’est une porte close. On n’en a pas la clef. Clef de bras, ne marche pas. Force brute fabrique un mur dedans et hors la tête.
L’autre est la clef bien sûr mais comment ouvre t-on?
Il est venu.
Nous sommes au studio Ramli Hassan, sur les hauteurs de Bukit Tunku, que sa propriétaire, Sabera, dirige avec élégance et fermeté.
Il porte une tenue de Taï Chi Chuan, simple et soyeuse. Il est calme comme à son habitude et un peu gêné par la présence de la caméra.
Cet homme n’aime ni être regardé ni emprisonné dans aucune maudite boite.
Il consent par empathie et peut-être à cause d’une certaine curiosité pour la façon dont je vais me tirer de ce qui peut vite devenir, un mauvais pas..
Je le filme, d’abord debout dans la lumière oblique de la grande fenêtre d’où l’on aperçoit la grande mosquée au travers de la végétation et du brouillard formé par la pollution démoniaque.
Il esquisse quelques gestes. Je ne vois que sa silhouette longiligne comme sortie des mains de quelque Giacometti tropical.
Il semble un peu absent, ne sachant que donner au regard borgne et avide de la caméra.
Ce qu’il met en mouvement n’est plus saisissable. Tout se passe à l’intérieur
d’un homme qui a cheminé jusqu’à devenir la voie même.
Son corps léger et grave est une interrogation. Rien d’autre n’est perceptible.
Je me retrouve à filmer la question.
J’ai l’habitude.
Est-il désemparé? Comme privé de sa propre présence, son corps trace gracieusement dans l’espace l’essentiel d’une forme. Il est précis et vague à la fois. Un peu ailleurs, il réclame cependant et sans effort la présence de l’autre.
Je lui propose de s’assoir.
Pour quoi faire, demande t-il.
La même chose.
Vous êtes un excellent combattant me dit-il dans un demi sourire.
Je filme.
Je ne vois rien. Je ne ressens que le silence recueilli des quelques personnes qui assistent au tournage.
Quelque chose d’important se passe dans le presque rien des gestes de cet homme digne, assis bien droit dans le fauteuil.
Nous finissons. Il se lève, visiblement soulagé. Je sens que tout cela n’est pas pour lui et je m’en veux presque de l’avoir mis dans une situation qui ne lui convient pas.
Il sourit pourtant.
Le problème est toujours la peur, me dit-il.
Je suis un peu interloqué. Il semble reprendre notre récente conversation dans le parc.
Être filmé a été pour lui un non évènement.
Il ne faut pas avoir de garde. Se mettre en garde, c’est déjà manifester de la peur. Il faut rester tranquillement sur son axe et observer son adversaire s’épuiser dans sa propre rage.
J’acquiesce. Il a raison. On finit par comprendre qu’il n’ y a d’autre sens au combat que celui de son nécessaire abandon tout en conservant la verticale construite dans l’adversité.
Mais, pourquoi insiste t-il tant sur ce point?
Il nous quitte poliment. Je reste un peu perplexe. J’ai le pressentiment de passer à côté de quelque chose.
Je rationalise. Le maître est sans doute fatigué. je n’aurais pas du insister pour le filmer.
Le soir même, en visionnant les images, je comprends.
En même temps que je trouve la musique qui, selon moi, révèle ce que dissimule la simplicité des gestes, je perçois la leçon qui m’a été donnée alors que je m’affairais à saisir je ne sais quel ineffable.
Un homme s’adressait à moi avec insistance et n’avait cessé de le faire. Il me me voyait et me faisait signe.
Caché derrière ma caméra, je ne l’écoutais pas.
Il me montrait pourtant, la chose inaboutie, ce à quoi l’on ne parvient pas mais au geste qui demeure pourtant, à la forme dépouillée, à l’épure, ce à quoi l’on aspire et à quoi, parfois, on a voué sa vie.
Il me montrait tout un homme et rien que lui, maître et jardinier d’une splendide floraison de gestes comme autant de fleurs simples sans cesse écloses au creux des mains tremblantes.
Oui, c’est la peur qu’il faut combattre et devant le mourir, il faut se tenir droit, sans garde et chanter notre chanson de gestes.
Il n’ y a pas d’avant, il n’ y a pas d’intention première. il y a quelque chose qui va et qui veut.
Il faut être vivant, maintenant, dans l’ Ouvert.
Il faut voir aussi et entendre, écouter. Ne pas être la dupe de son affairement.
J’ai écrit à maître Lee pour le remercier de sa disponibilité. En me souhaitant bonne chance, il m’a envoyé un texte de Chuang Tzu, le maître vagabond aux randonnées extatiques.
Cela parle d’un homme sur une barque au milieu d’un lac. Le titre est, La Barque Vide.
C’est ainsi qu’est l’homme véritable, une barque vide dans le vide immense du Tao.
Je repense à maître Lee et à son Taï Chi sans forme.
Ceux qui ont la malencontreuse idée de s’opposer à lui en sont pour leurs frais.
Ils me font bizarrement penser à ces clients qui poussent la porte du saloon dans un lointain Far West. La porte bat pour les laisser passer, elle ne résiste pas mais pivote tranquillement sur ses gonds. Chacun entre dans le bar et y trouve ce qu’il est venu chercher. Certains l’oubli, d’autres, l’illusoire
compagnie de la jolie barmaid, beaucoup, la violence qu’ils ont amené avec eux, d’autres encore, leur tristesse impossible à noyer. Peu d’entre eux possèdent suffisamment d’intelligence pour rencontrer ce qu’il est pourtant possible de trouver avec un peu de chance et de discernement : la foi, l’amour,
l’espérance et même, l’amitié.
C’est en pivotant souplement devant ma demande frontale que Tangkok Lee, simple habitant de Petaling Jaya, maître de Tai Chi Chuan et sage lecteur du grand Chuang Tzu, m’a permis d’un peu alléger ma barque mais aussi de comprendre que, pour aller sur le lac puis traverser le grand fleuve du monde,
il fallait tout d’abord, tendre sa propre voile et puis, oser la donner au vent.

Heddy Maalem – Kuala Lumpur, Juin 2023

LE PORTEUR DE LA LAMPE

他的舞蹈超越了一切束缚。人们试图将其归类,锁在狭小的惯常之中,以便不再讨论它。然而,我们应该反其道而行之,并坚定地说:

这位舞者是一位大师。他掌控自己,掌控自己的每一个动作,如同箱外的天使或恶魔,无法被束缚。毫无疑问,他是充满灵性的。他的动作是在对时间的恰当延展中实现的,捕捉到理解之后的感知,节奏和空间,以及我们目光的随机性,和我们几乎无法真正集中注意力的缺陷。

他无视主流的风向,只在意那些重要的事物:黑暗、时空、能量——这些源自我们内心的力量,被他的动作带到明处。我们必须钦佩这样一个人,他远离当代的混乱,进行真正的战斗,不断地为美而战。

在寂静中,他的舞蹈化作音乐。他在平静中移动,孕育出“事物的旋律”。这是一种稀有的景象!

我想到了我们当下的荒谬,那些无谓的扭动,这些苍白却又聚集支持的动作。这种急于展示的喧闹,显然,几乎没有什么可展示的。他远离这种争夺。他专注于身心的修炼,他柔软、伸展、清洗和呼吸,最重要的是,他倾听内心涌向表面的脉动,那些他辨识、运用、理解并升华的杂乱无章的冲动。

他精确而清晰,他的一切,都是对当下的敏锐意识,对有机运动的尊重,通过身体理解智慧的来源。在他身上,舞蹈动作和日常行为之间的界限是模糊的,仿佛只需稍微调整焦距,舞蹈便会立刻显现,并奢华地展开。

或许,谈论舞蹈是徒劳的,但我们必须自由地表达我们所感知到的珍贵与罕见,以便可能触及那些已然消失的东西。看着这个人,我越来越觉得,他体现了每个舞者应追求的目标——舞动的自然显现,身体作为艺术品的存在。

这不是自恋,只是一个奉行自律、深刻理解肢体运动、甚至高超技巧与舞蹈区别的人。舞蹈不仅是一种思想,更是一种运动的诗学。

成为白纸和那划线的手,成为光明与黑暗,成为在永恒当下的敏感动物,成为冥想来自深渊黑暗的灵魂。消失以体现存在,先于语言却有所表达。

“这是世界之夜向每个人走来。”黑格尔如是写道。这句话在看他舞蹈时浮现于脑海。他的动作如同投下的阴影。他源自日本的“黑暗之舞”——舞踏。他舍弃了舞踏的过度,保留了其深度,意识到一个充满剧痛的世界,并渴望将其具象化。

他舞动我们内心行走的夜晚。他的双脚在他决定停下的地方完美地停住。他的眼睛平静地注视着前来欣赏他表演的观众。他的目光是第一个动作,空间打开,表演可以开始了。

事实上,我们在那里,观察彼此,在光影之间聚集。黑暗降临,召唤着寂静,接着光明回归,我们默默无言,在阴影中窥探,像迷惑的森林动物。我们对自己依然是个谜,需要不断地呈现,以感知其轮廓。

表演结束。黑幕再次降下,直至我们的语言和白昼的谎言中重现的喧嚣。舞蹈发生在两夜之间。我们留下了印记。

他展开他的动作,突然停下。那条线穿过他,如同画家在画布上那霸气的笔触。一个无悔的动作。这让我们无言。无尽的喧哗终于停止。我们在谜团前无言以对,终于在狮身人面像前静止,这块或许曾经移动的动物石。

他身上有种矿物质的感觉。让我想起曾经的一位合气道大师。我曾看他从道场入口走来,柔软地跪下,突然完全静止,成为一块石头,面对我们,面对我们对身体和它所含深渊的无知。这是我的第一课。不动存在,而石头可以说话。

的确,看到一个人舞蹈是罕见的。大多数时候,总有些不对劲。我们无法确切说出是什么。仿佛是一种模拟,一种或多或少复杂的肢体动作,忽略了语言的必要性。“一场毫无意义的舞蹈。”借用查布里耶的话。于是我们转向自然,那从舞蹈所寻之地运动的动物,那在风中摇曳的树枝,以手臂和手的智慧轻柔地移动空间。

大自然引导我们找到正确的动作,即无为,耐心聆听,真正的生机,那和谐的歌声,像无尽的生活和默默接受死亡的一切所发出的声音。

然后,是闪电般的迅捷,纯粹的喜悦从波浪中跃起。最后的宁静,黑暗前的寂静,生者准备“可怕之夜”的那一刻。

他如同希诺普的第欧根尼,带着他的舞蹈,如同那人带着他的灯,在耀眼的日光中行走。这就是这位舞者带给我们的。他站在我们面前,挺直身姿,勇敢地承担起我们忽视的负担。这个负担是我们深刻的人性和构成其非人黑暗,这正是赋予舞蹈真实重量的因素。

没有这些,何必呢?不如移开视线。值得观赏的太多了,孩子们的优雅,那远处草地上奔跑的马,那心爱的女人走向我们的步伐,世界上所有赐予我们的舞蹈,以及伟大的舞者李瑞强,为我们这些无知夜晚俘虏者继续舞动的珍宝。

Sa danse échappe. On voudrait lui attribuer un style, l’enfermer dans la boite étroite du déjà-vu, la caser pour mieux n’en pas parler.
Il faut aller là-contre et affirmer :
Ce danseur est un maître. Maître de lui même, de son propre mouvement, ange ou démon hors de la boite, que l’on ne peut saisir.
Spirituel, à n’en pas douter.
Son geste s’inscrit dans la juste dilatation du temps nécessaire à la perception après avoir compris, le rythme et l’espace mais aussi l’aléatoire de nos regards, notre quasi inaptitude à prêter une vraie attention.
Il danse en se moquant bien des vents dominants, se souciant de ce qui compte, la ténèbre, l’espace-temps, l’énergie aussi, c’est à dire ce qui va et veut depuis notre nuit et que le geste porte au jour.
Il faut admirer celui qui, loin de l’enchevêtrement des pagailles contemporaines, mène un vrai combat, cette guerre sans cesse à livrer ; pour la Beauté.
Dans le silence, sa danse se fait musique.
Il se meut dans le calme, donnant naissance à une « mélodie des choses ».
Voilà la rareté!
Je songe à nos ridicules actuels, à ces vaines contorsions, ces mouvements exsangues pourtant rassembleurs de suffrages.
Cette bousculade vers la visibilité quand il y a, à l’évidence, si peu à montrer.
Lui, se tient loin de la ruée. Il travaille corps et âme. Il assouplit, il étire, il nettoie et respire et surtout, il écoute ce qui, du dedans,
monte vers la surface, cet ensemble de pulsions désordonnées qu’il discerne et utilise, comprend et sublime.
Il est précis et net, tout, chez lui, est, conscience aiguë du moment, respect du mouvement organique, compréhension par le corps de la source de sagesse.
La frontière entre le mouvement dansé et ses gestes quotidiens est ténue, comme s’il n’avait qu’à resserrer un peu la focale pour que, d’un coup, la danse soit là et, somptueusement, se déploie.
Il est sans doute vain de vouloir parler de la danse mais il faut dire librement ce que l’on perçoit et qui apparait comme précieux et rare pour, peut-être, effleurer ce qui, déjà, a disparu.
Plus je regarde cet homme et plus je me dis qu’il incarne ce à quoi tout danseur devrait tendre, l’évidence du mouvement dansé, le corps pris comme oeuvre d’art.
Rien de narcissique en cela, simplement quelqu’un qui s’est livré à une ascèse et qui a profondément compris la différence entre gesticulation plus ou moins inventive, mouvement, quand bien même virtuose, et danse, entendue, non seulement comme une pensée mais une poétique du mouvement.
Être la page blanche et puis la main qui trace, être la lumière et le contraire du jour, être animal sensible dans l’éternel présent et l’âme qui médite le noir qui vient du gouffre.
S’absenter pour incarner la présence, être avant la parole et pourtant, s’adresser.
« C’est la nuit du monde qui s’avance ici à la rencontre de chacun » a écrit Hegel. La phrase vient à l’esprit quand on le voit danser. Son geste est une ombre portée. Il est issu de cette « danse des ténèbres » le Butô japonais. Il en a abandonné les outrances pour en garder la profondeur, la conscience d’un monde de douleurs térébrantes, l’ambition de les incarner.
Il danse la nuit qui marche en nous.
Ses pieds se rangent à la perfection à l’endroit où il a décidé de s’arrêter. Ses yeux se posent calmement sur le public venu admirer sa performance. Son regard est un premier geste, l’espace est ouvert, le spectacle peut commencer.
Nous sommes là, de fait, venus nous observer, ainsi rassemblés entre ombre et lumière.
Le noir se fait qui appelle au silence puis revient la lumière qui nous laisse muets, épiant dans l’ombre, animaux confus de la forêt obscure. Nous demeurons un mystère pour nous-mêmes qu’il faut présenter encore et encore pour en sentir les contours.
Le spectacle finit.
Noir rideau à nouveau avant que ne revienne nos paroles et le bruit dans le mensonge du jour.
De la danse a eu lieu entre deux nuits.
Nous en gardons la trace.
Il développe son geste qui s’arrête soudain. La ligne le traverse aussi pure que le trait impérieux du peintre sur la toile. Un geste sans repentir.
Cela nous laisse sans voix. L’incessant jacassement du discours enfin interrompu. Nous sommes muets devant l’énigme,
immobiles, enfin, devant le sphinx, cette roche animale qui, peut être, a bougé.
Il y a du minéral en lui. Me revient le souvenir ancien d’un grand maître d’Aïkido. Je le voyais marcher depuis l’entrée du Dojo,
s’agenouiller souplement et soudain, s’immobiliser entièrement, devenir une pierre posée là, face à nous et notre ignorance de ce qu’est un corps et de l’abîme qu’il contient.
Ce fut ma première leçon.
Le non-mouvement existe et une pierre peut parler.
Il est rare, en effet, de voir un homme qui danse. La plupart du temps quelque chose ne vas pas. On ne saurait trop dire quoi au juste. L’impression d’un simulacre, d’une gesticulation plus ou moins savante qui s’opère dans l’oubli de la nécessité d’une parole vive.
« Une danse que c’est pas la peine. » pour paraphraser Chabrier.
On se retourne alors vers la nature, l’animal se mouvant depuis l’endroit même que recherche la danse, l’arbre dont les branches captives du vent, remuent l’espace avec le tact et l’intelligence du bras et de la main enfin soumis aux gestes insufflés.
Toute la nature nous guide vers le geste juste c’est à dire le non vouloir, la patiente écoute, la véritable animation, le chant harmonieux qui s’élève comme sans effort de tout ce qui tend à vivre et accepte silencieusement le mourir.
Et puis, l’éclair et sa vivacité, le jaillissement, le bond de joie pure hors de l’onde.
Le calme, enfin, juste avant l’obscurité, ce soudain silence du vivant qui se prépare à « l’effroyable nuit ».
Il va, tel Diogène de Sinope, portant sa danse comme l’autre sa lampe, flamme vivante dans le jour aveuglant.
Voilà ce que ce danseur transporte avec lui. Il est là , face à nous, bien droit et courageusement chargé du fardeau qui nous incombe et que nous négligeons.
Ce fardeau, notre profonde humanité et l’inhumaine noirceur qui la compose, c’est ce qui leste toute danse de son poids de vérité.
Sans cela, à quoi bon?
Autant détourner le regard.
Il y a tellement à contempler, la grâce des enfants, le mouvement de cette prairie au loin où le cheval s’enfuit, le pas de la femme
aimée et qui revient vers nous, toute la danse du monde qui nous est donnée et que, Swee Keong Lee, grand danseur, bijou inaperçu, continue de danser pour nous, insouciants captifs d’une nuit ignorée.

Heddy Maalem