WARATORIO

Ils se sont arrêtés.

On a bougé dans la forêt.

Ce n’est pas le jaguar.

Devant eux, la végétation ferme un rideau tragique.

Les corps se figent, attendent, vifs et froids, patients comme des lames.

Cela va arriver, fondre sur eux, une chose qui surgit de la nuit et qui tranche.

Les arbres forment une cathédrale de silence.

Chacun se tait, devient pure écoute de ce qui va jaillir.

On dirait des hommes en prière bâillonnés par la main d’un dieu brutal.

Il y a comme une musique composée par l’orgue de cent respirations.

Les tambours de cent coeurs frappent et palpitent dans des poitrines calmes.

La nature est muette, le rouet des trois Parques tourne sans aucun bruit. Elles resserrent la maille, noire du fil de mille vies. 

Quelque chose va rompre et déclencher le mouvement d’une terrible danse.

Ils attendent.

Cela arrive du fond de la forêt de l’âme.

Cela naît avec toute  naissance, noué comme une liane de haine et de peur à l’arbre de nos vies.

La voilà, elle est là, maintenant,

la guerre.