Vues de la baie
Je n’ai pas de vision, pas de point de vue,
juste un sentiment. Je suis suspendu dans un temps qui passe trop vite. Immobile, arrêté.
Je regarde par la baie vitrée .
Dehors explose un printemps nouveau. Les chevaux vont et viennent, le chien attend et s’ennuie.
J’écris comme on verse de l’huile sur la cendre dans l’espoir de raviver une flamme incertaine, de me prendre au jeu, de prendre
feu et de plonger ainsi, incendie, dans le grand Achéron de l’écriture.
Aujourd’hui, il pleut, le printemps est morne, l’herbe, courte encore mais grasse , gorgée , saturée d’un vert presque fluorescent.
Mes pensées vagabondent et s’enroulent paresseusement dans ce début d’après midi désoeuvré.
Je me laisse guider par les mots qui, un à un, s’inscrivent sur l’écran. Inutiles.
Quelqu’un les lira peut-être, et puis les oubliera.
Les vies vont comme ça, en vain. Nous mêlons notre vie à d’autres.
Nous nous embrassons, nous nous séparons sans guère plus de raison que ce qui fait pousser l’herbe des prés et puis bientôt, fâner.
J’ai conscience de la mélancolie de mes phrases, pourtant, je sens en moi, profond, absurde, un rire qui monte à chacune de mes respirations.
Quelque chose en moi rit et se moque, voit lucidement et accepte, chante et respire, à la fin.
J’ai reçu des messages d’Algérie. C’était la fête de l’Aïd el Fitr.
Bonne fête !
Je n’ai pas de religion et mes fêtes sont ausssi intimes qu’inexpliquées.
Je sens Dieu tout alentour, partout, indifférent.
J’ai répondu aux messages. Je me suis senti exilé. En exil de deux patries.
Dans quel lieu me trouvè-je?
Sans doute ici, dans le blanc de la page qui peu à peu se remplit.
Voilà donc tout un homme et le peu d’une vie. On inscrit comme ils viennent les quelques mots qu’on peut et puis, certainement, on signe, avec son dernier souffle.
Il a cessé de pleuvoir.
Je regarde à nouveau vers dehors.
Vers tout le monde.