Jours (in)tranquilles

Rien ne me vient,

je tape quand même sur le clavier car j’aime entendre le petit bruit des touches que mes doigts enfoncent. Le texte se forme peu à peu et j’appréhende en même temps que j’ai du plaisir en voyant se former sur l’écran ce qui sera peut-être l’ébauche de quelque chose.
Je fais comme ces coureurs qui, pour s’échauffer,, effectuent quelques foulées inutiles, d’un petit trot maladroit.
La course, la vraie, viendra plus tard et ils ne savent pas s’ils auront et le souffle et les jambes pour tenir la distance.
Ce matin, j’ai passé de longues minutes à regarder sur mon ordinateur, des touristes poser devant les Horse Guards de Buckingham Palace.
C’est fascinant, ce concentré d’humanité.
On observe le comportement des gens, du moins, leur posture face à ce qui incarne et le pouvoir et l’animalité.
Les cavaliers imperturbables, les chevaux à la longue patience, finissent pourtant par réagir face à ce qu’il faut bien appeler de la stupidité.
Pour quelques personnes montrant un peu d’empathie et de respect,
s’exhibe une foule ’imbécile dont on se demande pourquoi une justice immanente ne les écrase pas illico d’un sabot impitoyable.
Ce ne sont que poses disgracieuses, sourires hébétés, absence totale de distance et de tact.
Certains vont jusqu’à saisir les rênes.
Le Horse Guard hurle un ordre et l’ahuri semble alors comme sorti d’un rêve, effaré ou pire, ricanant.
Certains s’en vont, piteux. J’ai même vu une femme, outragée, aller porter plainte auprès du policier le plus proche.
Parfois, le cheval a la bonne idée de mordre et mettre en fuite ces crétins narcissiques.
Quelle humanité nous formons!
Nous n’avons rien appris depuis la nuit des temps. Les philosophies les plus profondes, l’expérience des massacres les plus sauvages, le constat millénaire des souffrances animales, l’éducation au respect d’autrui.
Rien n’y a fait.
Pour un cliché, pour le plaisir d’afficher sa vilaine bobine aux côtés du visage noble et sans pourquoi d’un cheval, on vient à perdre tout dignité et par là même, fouler au pied et notre propre animalité et le
pouvoir que nous confèrerait un semblant d’élévation.

Pourquoi est ce que j’éprouve le besoin de parler de ces choses-là par ce tranquille après-midi de cet Avril pluvieux?

Pour le plaisir de dire et aussi pour me débarrasser de la colère et du dégout qui sont venus en voyant ces images.

Insignifiantes? Anecdotiques? Pas tant que ça.

J’écrirai un prochain chapitre de réflexions outrées, c’est promis ! Mais pour cela, il faudra sans doute attendre l’automne, l’ouverture de la chasse, quand nos paisibles collines se peuplent d’individus plus assoiffés de sang que de lecture et qui traquent non pas leur bêtise insondable, mais le peu de vie qui palpite encore dans les champs ravagés par la chimie agricole.

Comme le Horse Guard de sa gracieuse Majesté, je serai féroce !