Profil perdu

Je songe aux amis.
Je me demande comment s’est fait l’éloignement. Qu’est ce qui nous avait rapprochés et qui nous réjouissait lorsque nous rencontrions? Au vrai, je ne sais plus. J’ai perdu la mémoire des circonstances de certaines rencontres, de ces sympathies soudaines ou bien ces liens nés d’une longue fréquentation, des obligations du métier, ou, tout bonnement, du destin.

J’ai perdu, et je le regrette, quelques amis auxquels je tenais. Nous ne nous voyons plus. Personne n’appelle et qui écrit aujourd’hui?

C’est ainsi que se forment les choses, l’avenir. Une solitude.

Elle ne me dérange pas.

Je ne suis pas un trop mauvais compagnon de moi même. Je me tolère et, quand je m’insupporte, je me laisse absorber par autre chose.

Á vrai dire, je ne m’intéresse guère. Tout ce qu’il y a d’autre est bien plus passionnant.

Comme écrire.

Voir se former sur la page cela qui vient de soi et que pourtant l’on ignore. Ce qui se dit lorsque l’on consent à se laisser écrire.

Aujourd’hui, j’éprouve un calme au dedans. Je sais que quelque chose se cherche, se forme et bientôt viendra crever la surface de la page.

Je suis un peu comme les arbres que j’aperçois au dehors, à peine remués par le vent printanier. Ils sont simplement là, ils s’exclament vers le ciel gris d’Avril tandis qu’en eux pousse la sève.

Des amis, en profils perdus.

Adieu à vous qui m’habitez encore. Bientôt vous aurez disparu. La maison sera plus vide peut-être. Il restera votre souvenir ou bien, plus sûrement comme les arbres là-bas, au fond du pré, vous vous contenterez de faire partie du décor.

Bon, vent, bont vent !